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"Ne rien posséder et pourtant tout avoir ..." c'est une équation difficile à résoudre dans notre société de consommation. "Si la Réalité dépasse parfois le Fiction, c'est que le Destin a plus d'imagination que nous ..."

La Voleuse d'Ame (suite et fin)

 

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           Le bip du moniteur martèle son cerveau meurtri tel un sadique métronome. Il percoit le ronronnement de tout un tas d’instruments autour de lui. Il comprend très vite où il se trouve. Deux silhouettes s’entretiennent de son cas à deux pas de lui, alors qu’il reprend lentement conscience.

 

-          Cela n’est malheureusement pas rare, la cinquantaine venue, pour un homme aussi surmené. Il lui faudra beaucoup de repos ces prochains jours.

-          Woneya …appelle-t-il dans un souffle.

 

 

Elle se penche sur lui en caressant ses cheveux. Cette caresse … il la reconnaîtrait entre mille. -   C’est moi, mon amour, c’est  Jude…

-          Jude, tu es là ? 

-          Je suis venue dès que j’ai su mon amour.

-          Woneya … où est Woneya ?

 

 

                             Elle pose un regard désespéré sur son époux bien-aimé.

-          Woneya n’existe pas. Affirme-t-elle. Elle n’est pas née. Tu sais bien, mon amour …

-          Si ! Si ! Je l’ai vue ! c’est une belle jeune femme de vingt ans …

-          Je t’en prie Ted …ce n’était qu’un rêve. Tu as fait un infarctus, tu as déliré voilà tout …

-          Quand ? où ? souffle-t-il.

-          Devant ton hôtel, il y a trois jours.Tu lisais un livre sur un banc et tu t’es écroulé

-          Le livre … le livre … il est où ?

-          Ah ça je ne sais pas.

 

Elle continue à le caresser jusqu’à ce qu’il montre des signes de réaction cohérente. Il lui prend la main et se rendort.

 

                             Quelques jours plus tard, il était parvenu à la convaincre de le ramener où cela s’était passé. Il voulait retrouver le bouquiniste. A tout prix. Elle ne voulait surtout pas le contrarier. Et puis l’hôtel n’était pas loin.

Ils se promenaient, bras dessus-dessous. Sur le quai toutes les boîtes étaient fermées, un vent léger faisait cliqueter les cadenas. Il n’aurait pas sa réponse aujourd’hui. Ils allèrent s’asseoir sur le banc. Il soupira longuement, regarda la cime des arbres. Il se sentait faible mais libre. Au moins il l’avait, sa belle histoire !

-          Ne crois-tu pas qu’il serait temps pour toi d’écrire ? lui demande Jude, très sérieusement.

-          Je n’en suis pas plus capable aujourd’hui qu’hier. Je vais encore dépenser une fortune chez le psy !

 

Une sonnerie retentit avec insistance. Pas le temps pour la convalescence ! Elle extirpe le téléphone de son sac.

-          Oui ? Si, si vous êtes sur son portable … je suis sa femme. Non. Rassurez vous, il va bien. Il est sorti de l’hôpital ce matin. Très bien je lui transmettrai le message … de la part ?

 

Elle blêmit. Son interlocuteur vient de lui annoncer une nouvelle ahurissante ! Il l’interroge du regard.

Après une légitime hésitation elle fait répéter – Vous êtes qui ? ! Vous vous appelez …

-          Woneya ? ! Il lui  arrache le portable, c’est vous ? ! c’est bien vous ! vous existez ! j’ai cru un instant …où êtes vous ? 

 

 

-          Oh Ted, vous allez bien, c’est vrai ? je suis si heureuse !

Je suis désolée, je suis venue à l’hôpital, on m’a refoulée. Je n’avais pas le moyen de vous joindre.

-          Où êtes vous ? Il exulte.

-          Au Châtelet. Tout près de votre hôtel …

-          Je suis avec ma femme, sur le banc, vous savez. Venez !

-          Je suis là dans cinq minutes !

-          On vous attend, vous venez, hein, vous venez !

-          J’arrive ! elle coupe.

 

Jude est stupéfaite. Elle n’en croit pas ses oreilles. C’est impossible. Une hallucination, ça n’est pas contagieux !

-          J’ai peur Ted … c’est qui cette fille ? Qu’est-ce qu’elle te fait ? !

 

Il a un sourire attendri. -   N’aies pas peur, tu verras. Elle est superbe. Elle est si … douce.

 

Elle n’a pas mis bien plus de cinq minutes, elle a dû courir. Elle arrive toute essoufflée, les cheveux emmêlés.

-          Monsieur STEVENSON. Lui sourit-elle.

-          Madame STEVENSON.  Elle la salue avec déférence.

 

                             Elle ne laisse pas à Ted le temps de se lever. Elle l’enlace tendrement :

-          Oh Ted ça me fait tant plaisir … j’ai eu si peur … Tenez, vous avez perdu ça.

 

                             Elle lui tend son précieux exemplaire dédicacé.

 

-          Mais … je ne comprends pas … souffle-t-il, on m’a dit que j’avait eu ma crise cardiaque sur ce banc … mais la dernière chose que je me rappelle moi, c’est chez vous …

 

Elle s’accroupit devant lui. Et prend sa main, comme elle sait si bien le faire pour rassurer. -   C’est vrai, explique-t-elle, vous avez eu un malaise à la maison. J’ai même voulu appeler un médecin, mais vous avez refusé. C’est que vous êtes têtu !

Vous avez prétendu que c’était à cause du whisky. Je ne savais pas moi, que vous ne buviez pas d’alcool. On a parlé toute la nuit. Et ça avait l’air d’aller lorsque je vous ai raccompagné. Vous vouliez ‘digérer un peu tout ça tout seul’, comme vous avez dit.

Alors, je vous ai ramené. Je n’étais pas très fière de moi et j’ai insisté pour le toubib, mais vous avez menacé de jeter mon portable dans la Seine ! Alors j’ai capitulé.

Et puis vous m’avez donné rendez-vous, pur un peu plus tard dans la matinée. Ici.

Mais quand je suis arrivée, on m’a appris qu’un homme avait eu une crise cardiaque, sur ce banc. …

                             J’ai voulu vous voir à l’hôpital, mais on m’a pris pour une ‘groupie’, vous êtes sacrement protégé ! Et puis votre portable était toujours éteint. Alors …

Voilà toute l’histoire.

 

 

 

Jude est subjuguée. Elle ne l’a pas quittée des yeux pendant tout son exposé.

-          Qui êtes vous ? finit-elle par lâcher avec crainte.

-          Tu avais dit vrai. Elle se tourne vers Ted. Elle lui ressemble … étonnement.

-          Oui, se résigne-t-il.

 

-          Qui peut dire qui nous sommes au fond ? philosophe la jeune fille, et à quoi ça sert de répondre à cette question ? Moi, je sais seulement ce qu’on aimerait bien.

-          Et on aimerait quoi ? demande Ted.

-          Et bien Toi, se risque-t-elle, par exemple. Tu aimerais bien que je sois ta fille, n’est-ce pas ?  Il en convient par un sourire ému.

-          Et moi, sans doute, je me plairais à imaginer avoir eu un père tel que toi.

-          Un truc à devenir dingue, quoi. Souligne-t-il.

 

-          Qu’importe si la raison vacille … tant que cela peut soulager les âmes.

 

-          Et Elle n’a pas encore vingt ans …souffle-t-il avec admiration à son épouse.

 

Ils se relèvent tous les trois. Elle réitère son accolade. – Soignez vous bien Ted.

Elle s’autorise une bise sur la joue de Jude. – Prenez soin de lui.

 

-          Mademoiselle …Jude ne lui laisse pas tourner les talons. Mon époux m’a raconté que vous étiez allée au Canada, une fois.

 

                             Elle arbore son sourire angélique.

-          Oh oui ! Et j’ai adoré ! Votre pays est merveilleux, Madame …

-          Et bien, sachez que si vous avez envie d’y revenir … vous serez toujours la bienvenue chez nous.

 

                             Il se tourne vers sa femme, un peu interloqué.

-          N’est-ce pas ? lui demande-t-elle de confirmer.

-          Evidemment ! Tu ne crois pas  tout de même  que je vais lâcher un auteur pareil !

                                                 AVEC SES SOURCES ! ! !

 

 

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Tous droits réservés Dominique Bleuet 2004,

Illustrations: Régis Droulez, Dominique Bleuet

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