Sortie cinéma : 16 novembre 2011
Synopsis :
Avril 1988, Île d’Ouvéa, Nouvelle-Calédonie. 30 gendarmes retenus en otage par un groupe d’indépendantistes Kanak. 300 militaires envoyés depuis la France pour rétablir l’ordre. 2 hommes face à face : Philippe Legorjus, capitaine du GIGN et Alphonse Dianou, chef des preneurs d’otages. À travers des valeurs communes, ils vont tenter de faire triompher le dialogue. Mais en pleine période d’élection présidentielle, lorsque les enjeux sont politiques, l’ordre n’est pas toujours dicté par la morale...
Ce qu’on en pense : Attention Chef d’œuvre !
C’est la deuxième fois cette année que je sors d’une projection toute tremblante. Sonnée, secouée, presque déboussolée. Evidemment, c’est la deuxième fois que le sujet, et la manière dont il est traité, me touchent de près.
Après Super 8 et mon adolescence retrouvée, me voici confrontée aux doutes et questionnements de mes années de jeune adulte, qui refusait à l’époque de « gober » l’intox des journaux télé, mais qui pourtant se demandait en son for intérieur … « Mais qu’est-ce qu’ils éprouvent en ce moment, ces gars-là ? Dont tout le monde se fout ! »
Je remercie Mathieu Kassovitz d’y avoir répondu, mais je constate avec amertume, que la question est toujours d’actualité. Que nombre de nos compatriotes affrontent encore aujourd’hui des situations éprouvantes, voire dangereuses, dans de nombreuses parties du monde, sans que nos dirigeants sachent se mettre d’accord pour les soulager de leur peine. Ce qui fait, encore aujourd’hui, de son film, un film courageux.
Un film engagé certes, mais un film avant tout. La qualité cinématographique de cette œuvre est indéniable. Kassovitz, il sait faire. C’est un très bon cinéaste. Les images, la musique, l’ensemble des effets, tout est bon. Les comédiens sont tous d’une crédibilité à faire frissonner. Pas de grosse tête d’affiche. De bons comédiens, solides, à l’interprétation sobre et impeccable.
C’est ce qui me surprend le plus. Là où j’attendais un film plus sanglant et violent, dans la lignée de la carrière plutôt « brutale » de Kassovitz, je trouve une chronique cinglante et réaliste, relatant un évènement dont la République Française n’a certainement pas à s’honorer. Sanglant et violent, tout de même, un peu, le film est pourtant loin des Rivières Pourpres ou de la Haine, qui ont marqué la carrière de Kassovitz du sceau du sang et de la révolte.
C’est ici un homme apaisé par la paternité et l’âge venant, qui a livré un travail de longue haleine. Le film lui aura pris plus de dix ans de sa vie. Le projet a mûri en lui depuis qu’il y a treize ans, son père lui a fait lire « Enquête sur Ouvéa » qui racontait minute par minute les évènements.
« Je savais qu’il y avait une matière formidable et que le scénario était virtuellement écrit dans le compte rendu de ces dix jours » … relate le réalisateur, « … il y avait assurément l’architecture d’un film dramatique ».
Une architecture parfaitement maîtrisée, habillée par les soins d’une équipe parfaitement documentée et investie d’un sentiment de justice, à la fois pour le peuple Kanak et pour les hommes venus de métropole, avec pour certains les meilleures intentions.
Un vrai film de guerre, s’il en est, tourné dans un cadre extraordinaire, avec des prises de vue et des cadrages dignes d’un maître. Et même si le ballet des hélicos est moins impressionnant que dans d’autres films, il a la force d’évocation nécessaire. Une sobriété spectaculaire. Encore une fois, le propos est courageux, à la limite pamphlétaire et toujours utile : « Alors qu’on se trouve sur un territoire national à régler des affaires internes … des hommes mènent une guerre, lasse, et perpétuelle, contre la connerie humaine et le cynisme des ‘milieux autorisés’ … des intérêts particuliers, qui oublient trop souvent l’intérêt des peuples … et des individus, des ‘êtres humains’ broyés dans leurs combines. »
Une œuvre magistrale, à classer dans les meilleurs titres du genre, aux côtés d’Apocalypse Now et les Jardins de Pierre du même Francis Ford Coppola. Ou encore du formidable Taxi pour Tobrouk de Denys de la Patellière. Un film sur les hommes, un film paradoxe, sur le combat armé et la recherche de la Paix. Un film fantastique au sens qu’il nous plonge dans un quotidien surréaliste, que bon nombre de gens vivent encore, ici et ailleurs, pour leur malheur. Puisse ce film les rappeler au souvenir, bon ou mauvais, de « ceux qui prennent les décisions », c’est ce que je souhaite. Même si je ne me fais pas trop d’illusions … sont-ils tout simplement capables de comprendre ? … En tous cas, c’est dit.
Utile et magnifique. Ne manquez ce film sous aucun prétexte !
Durée du film : 2h16
Réalisateur : Mathieu Kassovitz
Scénariste : Mathieu Kassovitz, Pierre Geller, Benoît Jaubert, avec la participation de Serge Frydman d’après le livre de Philippe Legorjus La Morale et l’Action
Acteurs : Mathieu Kassovitz, Iabe Lapacas, Malik Zidi, Alexandre Steiger, Sylvie Testud et Philippe Torreton
Directeur photo : Marc Koninckx
Décors : Giuseppe Ponturo
Costumes : Agnès Beziers
Producteur : Christophe Rossignon et Philip Boëffard pour Nord Ouest Production, Studio 37, UGC et France 2 Cinéma
Distributeur : UGC Distribution
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